Akaji s'intéressait à beaucoup de choses … Bien qu'il n'ait pas forcément un talent pour tout. Par exemple, il avait récemment commencé l'apprentissage de la guitare. Comment c'était arrivé ? Bah, il était allé faire des courses, et en arrivant devant le magasin, il avait trouvé un gars en train de jouer dudit instrument. Bien entendu, il ne l'avait pas dérangé. De une, parce qu'il aimait ce qu'il entendait, et de deux, parce que le type semblait trèèèèèèèèèèèèès concentré. Bref, le mec en question, qui devait avoir la quarantaine, avait fini par s'arrêter et remarquer notre ninja, un peu surpris que celui-ci ait pris le temps de s'arrêter pour l'écouter. Lui qui pensait que tous les ninjas étaient des brutes sans sens de la beauté. Ils avaient alors fini par engager la conversation, et se ce qu'il devait acheter s'était révélé très secondaire. En effet, ils avaient plutôt parlé musique …

Le vieux en question avait une vieille Epitélé, dont il prenait soin comme de son propre gosse. Faut dire qu'apparemment, il avait du emprunter pour l'acheter … bref ! Face à l'enthousiasme d'Akaji, il avait proposé de lui montrer les bases. Et puis hein, c'était toujours bien d'avoir des amis Jônin quand on avait le genre de problèmes qu'il avait. Et c'était ainsi que notre ninja s'était mis à la musique, en plus de la cuisine et de la poterie. Et pour le coup, il était pas trop mauvais … il arrivait même à jouer un morceau presque entier, après seulement quelques jours d'études. Il ne loupait que ce pont absolument dégueulasse et qui lui niquait les doigts à chaque fois. Mais bon, revenons-en au jour qui nous intéresse. Ce jour-là, il s'était levé assez tôt pour rejoindre son prof, qu'il devait rencontrer avant que le magasin ouvre, de manière à pas le déranger dans son business.

Il marchait donc d'un bon pas vers l'endroit, s'arrêtant de temps en temps pour saluer deux-trois connaissances parmi les rares ninjas qui se levaient tôt ( ce qui, franchement parlé, est une honte ) ou même dire bonjour à une vieille fleuriste qu'il avait connu toute sa vie. Bref, tout pour le mettre de bon humeur ( bien que ce terme soit assez relatif dans son cas ). Cela n'allait cependant pas durer. Il trouva en effet son prof par terre, menacé par une jeune ninja. Une étrangère qui plus est. Il connaissait plus ou moins tous les ninjas de Shoutai ( en tout cas de cet âge là ) et pouvait dire à quasiment 100 % qu'elle n'en faisait pas partie. Il se dépêcha donc d'agir avant que le pire n'arrive. Et que fit-il ? Il s'adressa à elle de manière diplomatique et civilisée … nan je déconne, il envoya deux shurikens dirigés droit vers sa tête qui, bien entendu, n'atteignirent pas leur cible.

« - T'as des amis étranges, Masafune ... »

Avait-il dit, pour renseigner la ninja sur sa location. D'ailleurs, maintenant qu'il y regardait de plus près, il était vraiment tombé sur une petite ninja très intéressante. De longs cheveux bruns, des belles formes ... Il s'arrêta un instant.

« - Bonjour Madame ! »

Peut-être qu'il avait ses chances ? Peut-être pas ? Et au fait, qu'est-ce que ca changeait qu'il les ait ou pas ? Étant donné qu'il n'avait jamais été un grand charmeur. Bref, autant entamer la conversation, sinon ils iraient pas loin.

« - Je peux savoir ce que tu fais ici ? »

Ça et son 06 après ...

Le temps était au repos. Le village était calme et paisible, chacun s’occupait de ses petites occupations dans une quiétude louable. Notre héros ne dérogeait pas à la règle. Méditant calmement, il était assis depuis un long moment, absorbant l’énergie qui l’entourait. Le Sage Blanc avait beau lui avoir annoncé que sa formation était terminée, il n’en n’était pas encore persuadé. C’est pourquoi, même de retour chez lui, Ryûjin continuait de s’exercer à son nouvel art de combat. Il devait en outre admettre que ces exercices, en plus d’être utile, avait le don de le reposer et le calmer. Après des heures d’exercices aux pieds levés, le serpent fini par quitter sa salle d’entrainement et le calme qui y régnait pour rejoindre son bureau et se concentrer sur ses rapports.

Beaucoup de travail c’était accumulé durant son absence. Makirama avait beaucoup de qualité, mais l’administration et la paperasserie n’étaient pas ses points forts et, bien souvent, c’était à notre ami de s’en charger. Mais, cette fois-là, c’était ses expériences personnelles qu’il devait narrer et, plus particulièrement, les récentes. Son chef et ami d’enfance lui avait demandé personnellement un rapport complet sur ce qu’il avait appris et ses nouvelles aptitudes afin de connaitre l’étendue de sa nouvelle force, certainement dans le but de l’utiliser au mieux. Car si ce jour-ci était calme et reposant, le temps était toujours à la guerre froide et rien ne disait  que l’accalmie allait se prolonger. Notre héros se pencha donc sur sa tâche avec assiduité.

Malheureusement, son exercice fut de courte durée. En effet, alors qu’il commençait seulement à écrire, il tomba rapidement à court d’encre. Une sacrée poisse, à n’en pas douter, puisqu’il s’était enfin motivé à faire ce que Makirama lui avait demandé. Un signe du destin peut-être ? Dans tous les cas, malgré l’heure encore jeune, notre héros fut obligé de quitter son domicile afin d’acheter de quoi écrire. Il traversait la ville calmement, observant amusé le village en train de se réveiller. La plupart des boutiques s’ouvraient à peine, les commerçants commençant à sortir leurs pancartes et autres annonces promotionnelles, tandis que les travailleurs traversaient la ville d’un pas rapide et décidé. C’était, quelque part, assez beau à voir car cette routine simple signifiait que la vie était encore calme et agréable, loin des temps de guerre. Notre héros passa au travers de quelques rues assez lentement avant d’arriver dans celle de son vendeur favori.

Et qu’elle ne fut pas sa surprise ! Alors qu’il approchait de la boutique, il remarqua bien rapidement une jeune femme agressant et menaçant d’une arme blanche l’artisan qu’il venait voir. Un autre shinobi était présent et semblait l’avoir interloqué. Ryûjin observa ce dernier et reconnu rapidement un Jônin d’une dizaine d’années son cadet. Un shinobi plutôt efficace, bien que loin d’être parmi les meilleurs, en partie à cause de son attitude désinvolte, de l’avis de notre héros. Après cette rapide analyse de la situation, le Sage des serpents se joignit à la scène, se positionnant après un bond aux côtés du Jônin, Akaji. Il observa la jeune femme mais ne put la reconnaitre. Par ailleurs, ses méthodes étaient particulièrement violentes pour être de Shoutai, rares étaient les phénomènes capables de cela et, ceux-là, Ryûjin les connaissait tous. Il s’adressa donc rapidement à la jeune femme tout en lui lançant un regard noir et menaçant comme il savait si bien les faire :

« Lâchez cet homme, jeune femme, avant que je ne perde patience. »

Ryûjin se tût un instant. Il l’observait, analysant sa position et ses manières. Elle semblait savoir ce qu’elle faisait et savoir se battre, rien qu’en la voyant tenir son arme, c’était visible. Elle n’était pas n’importe qui, loin de là. Le Shoutaijin reprit donc la parole, s’adressant de nouveau à cette belle inconnue :

« Qui êtes-vous ? Vous n’êtes pas d’ici, cela se voit… »

A croire que l'intimidation avait marché. Ses lèvres étaient retombées et se mordaient avec frénésie. Quelques secondes de plus, et il craquerait, fonderait sûrement à tes pieds, un monticule de phrases honorables en guise d'excuses. Mais ça ne changerait rien. A en juger par son étable, les affaires devaient tourner, assez pour avoir économisé la somme depuis des lustres. Et il en était conscient, car ses yeux n'osaient croiser les tiens : Deux prunelles de jais qui n'avaient aucun mal à sonder l'âme de... ce menteur.

Honte, parjure ! Tu n'as plus aucune fierté, et tu t'en mordras les doigts.

La lame se rapprocha un peu plus. Tu pouvais sentir son pouls s'accélérer au travers du métal gelé. Une goutte de sueur se posa dessus, la faisait briller de plus belle. Plus il s'obstinerait, plus la lame se rapprocherait, jusqu'à ce qu'il cède, car oui il allait céder.

Enfin du moins, il l'aurait fait, si deux shurikens n'étaient pas venus menacer ton visage. Tu t'étais simplement décalée, un mouvement d'épaule sur un côté, puis un pas en arrière, le buste penché vers l'arrière. Ton menton pivota, un homme se dressait, presque menaçant. Ta première volonté aurait été de l'ignorer, mais tu te savais également dans un village qui n'était plus le tiens, et qui n'avait probablement pas les même principes que Taun'. Et la question qui s'extirpa de ses lèvres vinrent confirmer tes doutes : Tu étais proie à une intrigue, à des doutes.

- C'est un peu déplacé comme salutations, souffla-tu dans un marmonnement en scrutant les shurikens plantés au sol.

Le plus pittoresque dans cette histoire, c'était qu'il te demandait une explication. Tu l'aurais bien envoyé valdinguer en politesse si un deuxième n'était pas arrivé. Quoi, d'ici un quart d'heure cette petite entrevue aurait rameuté tout le village ? Et qui plus, pas de simple paysans... mais bien des shinobis. Ah ces ninjas, pas capables de reconnaître une noble, et qui plus est, une fervente servante de l'honneur. Ton regard se reposa donc, cette fois-ci avec une once d'agacement, sur Masafune qui se relevait, tremblotant. Ta lame suivait son mouvement, comme une ombre qui pourchassait son propriétaire.

- Il a raison, tu sembles très doué pour te trouver des amis, Masafune.

Le katana fusa, regagnant son fourreau dans un crissement silencieux. Tes bras se croisèrent alors sous ta poitrine, plissant au passage ton kimono dans une grâce contrôlée. Ton visage se bascula dans la direction des deux nouveaux arrivants.

- Votre patience est très limitée alors... La mienne attend quelque chose de cet homme depuis maintenant 16 ans.

L'homme en question recula d'un pas, ébranlé. Quoi, pensait-il réellement que tu allais épargner son histoire devant des gradés de ce village ? Hors de question. Le temps est compté. Tu leur épargna une quelconque salutation, s'ils avaient un tant soit peu de respect, ils comprendraient ton statut, et de ce fait qu'il était hors de question que tu déclines ton identité en première.

Et merde … chaque fois qu'il tombait sur une fille, fallait qu'elle ait un caractère de merde. Et Dieu que celle-ci était insupportable. Encore une fille à papa … Quoique, ca pouvait être marrant de temps. Bref, que s'était-il passé ? Un trèèèès gros poisson était arrivé. Enfin, plutôt un serpent qu'un poisson … Voilà qui le faisait un tout petit peu chier. Ca allait être plus dur de régler les choses à sa manière avec un témoin dans le coin. Bon, tant pis. Le plus important était d 'éloigner Masafune de cette fille, qui semblait adorer jouer avec son sabre tout près de son cou. Parce que hein, c'était un peu leur boulot d'empêcher leur citoyens de crever. Akaji monta donc à la hauteur de la jeune femme et prit son prof sous le bras, lui adressant un grand sourire.

« - Pourquoi t'irait pas l'accorder, le temps qu'on discute un peu ? »

Manière très très peu discrète de lui dire de dégager. Mais au moins, il était sûr que la gonzesse ne suivrait pas. Ce qui laissait le marchand en sécurité pour un certain temps. Il allait cependant falloir penser à virer la petite intruse, qui semblait assez confiante. Mais avant toutes choses …

« - Et sinon, qu'est-ce qu'une gamine de 10 ans aurait pu valoir à un vieux qui devait en avoir une trentaine à l'époque ? »

Qu'est-ce qu'elle pouvait bien attendre du pauvre Masafune, qui mine de rien, était un type assez sympa. Est-ce qu'ils avaient fait une promesse. Du genre japonais, avec le petit doigt et le tout sous un cerisier en fleur, juste au moment où un coup de vent passait pour que tout s'envole. Ou au contraire, est-ce que Masafune lui avait fait du mal ? La jeune fille semblait pourtant très bien se porter. En fait, maintenant qu'il avait l'occasion de la regarder de plus près … Elle semblait même assez riche. Il ne pouvait voir que le manche de son katana, mais celui-ci semblait plutôt bon, elle-même avait l'air assez bien portante … En plus de ca, son caractère atroce … Elle avait tout d'une bourge, du type qui vit dans un manoir avec 50 doberman pour garde l'entrée et une centaine de serviteurs par pièce. Il essaya dans sa tête de deviner d'où elle venait. Sûrement pas de Kittoki, vu qu'il n'y avait qu'une seule famille assez riche là bas … ca laissait Nishibi ou Taun. Quoique rien ne lui assurait qu'elle venait bien d'un village. Le plus simple restait encore de demander.

« - On peut savoir à quel village adresser une plainte, au cas où t'aurais envie de détruire la baraque de ce pauvre Mifune ? »

Oh, et en fait, ils s'étaient pas présentés … bah, tant pis. Après tout, c'était pas comme si ils allaient se revoir … Oh merde ! Il allait en avoir besoin si il voulait … faire connaissance.

« Ha, et je m'appelle Akaji, et toi ? »

Ajouta-t-il avec un petit clin d’œil. Il remarqua un peu trop tard que c'était la troisième question de suite qu'il posait.

Chaque village avait sa propre culture et ses propres cultures. Il était souvent difficile pour ceux d’un village de comprendre les étrangers, car ils ne lisaient pas les situations de la même manière. Dès lors, s’accorder et se comprendre était difficile. Chacun avait un contexte, un environnement, qui façonnait sa façon de penser et voir les choses. Au-delà des rancœurs, du destin et de la fatalité, c’était peut-être aussi cela qui justifiait ces guerres incessantes. Car, très souvent, quand deux shinobi d’un même village, le clash ne mettait pas longtemps à pointer le bout de son nez. A ce moment précis, Ryûjin était exactement dans cette situation. Il était face à une personne qui avait une autre manière de penser, un code d’honneur différent. Et qui ne semblait pas hésiter à le défendre, peu importait les conséquences.

La tension était palpable. Un combat allait-il éclater ? C’était à éviter. De si bon matin, en plein cœur du village, ce n’était pas une bonne chose. Mais, des trois personnes présentes, seul Akaji semblait décidé à relativiser les choses et apaiser l’atmosphère de défiance qui régnait. D’une invitation grossière mais habile, il fit comprendre à l’artisan qu’il était préférable pour lui de quitter les lieux afin de laisser les guerriers régler le conflit. Mais, malgré cela, se déchainer à un tel moment était une mauvaise chose. Rapidement, les passants allaient se multiplier dans les rues, sans doute des enfants se dirigeant vers l’école également. Combattre dans une telle situation n’était que folie. En prenant en compte toutes ces choses, Ryûjin chercha à se calmer, même si son interlocutrice ne faisait rien pour l’y encourager. Après quelques instants, il finit par lui répondre :

« J’ai aussi peu de patience qu’une guerrière s’en prenant à un civil à d’honneur. Autant dire presque aucune. »

Notre héros s’amusait de la situation. N’importe qui aurait pu voir que, contrairement à ce qu’il affirmait, la jeune femme accordait une importance toute particulière au sens de l’honneur. Dans sa manière de parler, de se déplacer ou même son style de combat, cela se ressentait. Néanmoins, il ne pouvait s’appuyer seulement sur ces quelques observations et il attendait justement la réaction de la jeune femme pour tenter d’y voir plus clair. Akaji, de son côté, pris les choses en mains et se présenta, demanda à l’inconnue de faire de même. D’une manière habile, il l’invita également à dire de quel village elle venait. Sous ses airs de type décontracté et désinvolte, il faisait preuve d’une intelligence certaine dans une telle situation, chose que Ryûjin ne manqua pas de remarquer. Visiblement, il avait bien fait de quitter son domicile si tôt, car cela aurait été dommage de manquer tous ces événements. Après avoir posé son regard sur le Jônin de Shoutai quelques instants durant sa prise de parole, notre héros détourna les yeux de lui pour les fixer à nouveau sur la jeune femme. Il la fixait sans sourciller ni trembler mais sans être très menaçant non plus. Il finit par reprendre la parole afin de s’adresser à elle. Son ton était relativement froid, bien que très loin du pire qu’il pouvait faire en la matière :

« Soyez raisonnable et répondez à ce cher Akaji. Votre attitude téméraire est répréhensible, n’aggravez pas votre cas. »

Tes sourcils se froncèrent de nouveau, comme une gamine aurait réagit face à une injustice quelconque. Te voilà plantée là, devant ces deux hommes, avec la cruelle impression d'être celle en tort alors que rien ne le prouvait. Bon, certes, menacer d'un sabre un vieillard n'a rien de persuasif là dessus, mais à Taun, l'influence Samurai effaçait tout malentendu possibles : Un samurai ne tue pas d'innocents, au mieux, il les influences. Ce scribe avait beau être endetté, avoir fugué sans un moindre mot, cela ne faisait pas complètement de lui un coupable. Mais au niveau de l'honneur, il s'était trahi lui même : et parler d'honneur avec toi revenait à parler à un mur. Si ces deux hommes ne comprenaient pas, c'étaient peut-être qu'ils avaient placé le leur dans un endroit bien caché, loin de tes yeux et de ton sabre.

Accablée de question, comme un interrogatoire pour criminel, tu soupira légèrement. Soit, la situation était loin d'être clair, mais d'un autre côté, tout révéler n'était peut-être pas la bonne solution non plus. Ce Masafune... il avait l'air d'avoir trouvé sa place ici, pour que même des gradés comme eux prennent sa défense aveuglément. Et alors, que faire quand il faut persuader quelqu'un qu'il se trompe. Est-ce si facile de montrer les points noirs d'une personne devant des « amis » qui le croient vulnérable et innocent ? Est-ce si important de gâcher une confiance pour un règlement de compte qui ne les concerne pas ?

Devrais-je alors attendre, rompre ce mur de glace en jouant sur l'émotion ? Revenir quand la porte sera ouverte, et que la discrétion jouera son rôle ?

Dur choix. Assez pour te faire hésiter, une seconde durant. D'un pas, tu te rapprocha des ninja, puis d'un autre. La démarche ondulante, tu avançais, les poings toujours dissimulés sur le kimono. Tes prunelles rencontrèrent alors celles du dénommé Akaji. Celles-ci pétillaient d'une arrogance incontrôlée, c'était plutôt amusant. Tu accepta ses présentations d'un mouvement de tête, représentatif de ta classe sociale.

Au loin, Masafune disparaissait devant un troupeau de silhouette qui se rapprochait de trop à ton goût.

Je t'aurais.

- Je pense que c'est une longue histoire qui, à mon sens, mérite mieux comme cadre. Un cadre qui s'éloigne des racontars... ton regard scruta avec une certaine sévérité les villageois qui se rapprochaient, assoiffés d'une fausse vérité. Et qui mérite mieux qu'une simple première impression. Cette fois-ci, ton regard se détourna promptement vers l'individu qui n'avait pas daigné dévoiler son identité, et qui t'avais jugé avec soin sans montrer le moindre signe de doute.

- Les yeux sont trompeurs vous savez. Ils vous montrent des choses que vous ne pouvez pas analyser, ni encore moins comprendre.

Tu parlais avec l'intention de corriger. C'était un reproche, adressé tant à l'inconnu qu'à Akaji.

- Mais soit, vous avez raison, il est loin de mon intention de nous impliquer, moi et mon village, dans une querelle sans motif justifiable.

Cette fois ci, ton buste se pencha légèrement, c'était une révérence, légère et gracieuse, mais à la fois froide dans son exécution.

- Je suis Reira Hyouri, originaire de Taun.

Et voilà qu'elle voulait faire connaissance … Vraiment bizarre comme fille. Elle arrivait et menaçait des gens avec un sabre, puis juste après elle leur proposait un thé. Mais bon … C'était pas pour le pire … En effet, Akaji étant un peu plus grand qu'elle, il avait eu droit à une très belle vue quand elle s'était penchée en avant. Vraiment, une fille intéressante à tout points de vue … Bref ! Il avait bien deviné, elle venait du pays de Taun. Ca semblait bizarre, mais selon Akaji, Taun était l'un des pays les plus francs du monde. Au moins, ils ne cachaient pas leurs motivations derrières des idéaux comme l'égalité ou même la religion … Bien que ca ne le rende pas meilleur que les autres au final. Mais bref, c'était pas le sujet. Elle leur avait demandé un endroit où parler, et ca tombait bien, il en connaissait un vraiment tout près.

« - Suivez-moi, et on pourra discuter en … privé. »

Il avait dit ça de la manière la plus tendancieuse possible, histoire de détendre un peu les deux, et en particulier Orochi. Parce que, voyez-vous, celui-ci semblait sur les nerfs. Il parcourut donc les quelques mètres qui les séparaient de la maison de Masafune, puis enjamba le seuil, passa à côté du comptoir, et franchit la petite porte qui séparait le magasin de la maison. Le marchand lui devait bien cela, étant donné qu'il venait très probablement de le sauver d'une psychopathe en puissance. Psychopathe bien entraînée, qui plus est. Franchement, ils devraient faire passer un test psychologique aux gosses qui veulent devenir ninja, ca éviterait d'apprendre à se battre à n'importe quelle malade.

Il connaissait déjà la maison, étant donné qu'ils la squattaient pour jouer chaque jour. Le vieux étant célibataire, ça ne dérangeait personne. Akaji ne savait pas si il l'avait toujours été, mais dans le cas contraire, il plaignait vraiment le marchand. Ils les fit monter un escalier, qui occupait la moitié d'un petit couloir à peine éclairé, et ils rejoignirent l'étage supérieur, composé d'une cuisine et d'une chambre. Pas le grand luxe, quoi. Une fois dans la cuisine, qui avait juste assez de chaises, il ouvrit le frigo et en sortit trois canettes d'un soda quelconque, très industriel, puis s'installa. Bien, maintenant la prochaine étape du plan de drague : entamer la conversation, chercher à en savoir plus sur elle et sur ses motivations.

« - Donc, je suis sûr que maintenant tu peux nous expliquer pourquoi t'es là, Reira ?  »

Ca allait être drôle. Déjà parce qu'il l'avait appelée par son prénom, ce qui ne devait pas se faire chez elle qui semblait assez riche. Et en plus, il l'avait amené en terrain inconnu : dans une cuisine étroite autour de canettes de soda à moitié pourries. Bref, là où il aurait l'avantage de l'habitude. Du côté d'Orochi, il ne le connaissait pas assez bien, mais lui non plus ne semblait pas familier de ce genre d'environnement … Faut dire, il gagnait assez par mission pour se payer un mois du loyer de cet appart. Il alla même pousser le vice encore plus loin.

« - Vous voulez des ramens ? J'en ai vu qui traînaient dans le frigo. »

Avait-il dit d'un ton désinvolte, sur le ton de la banalité. Vraiment, de quoi briser le cœur d'un créancier.

Finalement, la situation tendait fait l’accalmie, ce qui n’était pas un mal. La jeune femme avait déjà rengainé son arme, mais semblait aussi ouverte à la discussion, ce qui n’était pas plus mal. Akaji avait su jouer le bon flic, quand Ryûjin incarnait ce rôle qu’il jouait si bien de mauvais flic. Il était à l’aise dans cette façon de faire et de se positionner, cela faisait des années qu’il jouait à cela avec Makirama. Comme le pensait notre héros, cette Reira était originaire de Taun. Pour n’importe quel guerrier aguerri du monde shinobi, cela sautait aux yeux et notre héros n’avait même pas besoin de le demander à Akaji pour savoir que, lui aussi, devait s’en douter depuis le départ. Cette simple origine expliquait aisément son air froid et, il fallait l’admettre, plutôt hautain. Sans doute issue d’une bonne famille, il y avait fort à parier qu’elle ne se rendait même pas compte du mépris visible dans son regard. C’était classique chez eux. L’argent leur donnait tout, mais surtout, un très mauvais caractère. Quelque peu amusé, le guerrier aux serpents répondit à ses petites provocations afin de prolonger ce plaisir :

« Les yeux ne sont pas responsables de la laideur de ce qu’ils observent, très chère. Si vos actes sont ambigus, vous ne pouvez reprocher aux autres de les juger. »

Cette jeune femme était étrange et intriguait notre héros. Il ne pouvait décemment pas laisser Akaji la gérer seul et, à cause de cela, se devait de bousculer son emploi du temps. Du moins, c’était ce que se disait Ryûjin pour justifier ses actes. La réalité était plutôt qu’il n’avait pas vraiment envie de rentrer chez lui et passer sa matinée sur de la paperasserie. Aussi, même auprès de Makirama, cette situation exceptionnelle était une excuse toute trouvée pour manquer à ses obligations. D’un simple geste approbateur, il signifia donc à Akaji qu’il pouvait les emmener dans un lieu plus « adéquat » pour la suite de cette rencontre et, surtout, découvrir quels motifs dirigeaient la jeune Reira à adopter une attitude aussi offensive dans un village étranger.

Néanmoins, au sujet du lieu choisi par le Jônin de Shoutai, le moins que l’on pouvait dire était que le mot « adéquat » n’était pas le mieux pour le décrire. Cela ressemblait plus à une auberge plutôt miteuse, voire carrément mal famée. A tel point que, de mémoire, notre héros n’avait jamais vu de lieu comme celui-là dans son village auparavant. Ou alors, il ne s’en souvenait pas. Les trois guerriers montèrent à l’étage puis se dirigèrent vers une pièce qui offrait le luxe d’être à la fois petite, sale et mal éclairée. Et Akaji avait dit connaitre ce lieu ? Cela suffisait à se faire une idée de ses activités extra-professionnelle et il n’y avait rien de reluisant dans celles-ci à première vue. Il sortit plusieurs sodas qu’il posa sur la table avant de reprendre la parole. Rapidement, Ryûjin en ajouta une couche en s’adressant également à la jeune femme :

« Effectivement oui. Que fait une guerrière de Taun dans Shoutai de si bon matin ? Et pourquoi s’en prendrait-elle à un vieil homme aussi inoffensif de Masafune ? »

Décidément, l'impudence de ces deux énergumènes relevait de l'insolence. Toi, toi qui avait fait l'effort de passer outre tes sentiments, outre la vérité et la justice. Toi qui avait voulu voiler les fait derrière du tulle, pour adoucir ses traits trop brusques. Toi, qui jurait plus sur l'honneur que n'importe quel autre fait, te voilà rabaissée par des propos outrageux et provocateurs ? Ta mâchoire se raidit, ce que tu entendais ne te plaisait pas. Le premier individu faisait peut-être quelques effort en manière de tact, mais derrière tu relevais une pointe amère d’ironie : Il voulait te ridiculiser, te mettre mal à l'aise ? C'était honteusement naïf de sa part. S'il te pensait coincée, noble au point d'en vomir de l'argent, il se trompait royalement. L'argent que tu possédait, était celui qui coulerait dans ta lame, avec toi.

- Vous..

Tes dents s'écartaient à peine, laissant fuser des mots sans même prendre la peine d'articuler. De la colère ? Peut-être. Mais ce que tu affichais était tout juste un mélange entre la déception et la désillusion. Comment osait-il espérer te juger sur ton appartenance ? Lui, qui devait certainement penser que tu ferais de même.

- Ne faîtes pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse, c'est un conseil aiguisé, pour une personne impulsive de votre genre.

En aucun cas tu ne jugeai les pauvres, et jamais te ne te fierait à des stéréotypes débiles agencées par des personnages débiles. Et tu aurais préféré tenir une conversation, plutôt que ce jeu enfantin qui consistait à toujours avoir le dessus, plutôt que de se remettre en question. Tu n'avais absolument rien à te rapprocher, dans un contexte qui te mêlait toi et Masafune. Quant à eux, ils se contentaient juste d’interférer, dans une histoire où ils n'avaient pas leur place.

Partez, vous qui ne savez rien et croyez savoir. Arrêtez ces regards, cette lumière dans vos yeux est loin d'être honorable.

- Je ne dirais pas non à ces ramens, s'ils avaient étés en votre possession. Étant donné que cette... maison est celle de Masafune, je n'en prendrais point. Mais merci de l'attention

Un merci bien amer, dans le fond. Encore une fois, tes mots tranchaient avec élan, décidés et surs d'eux. Ils étaient ambigus aussi, mais qu'importait, avec ou sans explication, ces deux là ne comprendraient pas. Ils ne comprendraient pas que tu ne goutterais pas à cette nourriture par dégoût ou par rancœur envers Masafune, mais seulement car leur propriétaire n'avait pas donné son consentement, et qu'à ce niveau là, c'était une transgression, et donc, une dette.

Quant au deuxième personnage, ses paroles furent encore plus sales que les intention d'Akaji. Il parlait en utilisant des mots bien trop présomptueux à ton goût.

-Alors c'est ainsi, mon sabre est jugé de laid parce qu'il attaque un innocent ?

Un léger rire te remua. L'homme parlait sans même chercher à savoir les détails, sa conclusion était donc d'une évidence exubérante. Assez pour te représenter d'une manière guère plaisante. Soudain, ton visage reprit ses traits sérieux et disciplinés :

- Admettons alors que ce soit le cas, qu'adviendrait-il alors ?

Que faire si je n'ai ni le temps, ni l'envie de vous exposer un passé qui ne vous plairait pas ? Que faire d'un homme qui a le don de jouer avec le feu, et qui, une fois brûlé, s'échappe pour ne pas s'embraser complètement. Que feriez vous, shinobi de Taun, face à une injustice vieille de plus de 10 ans ? Que faîtes vous en ce moment, si ce n'est croire en une personne qui ment ?

Gagné. C'était ce que pensait Akaji alors qu'il la voyait grincer des dents et serrer les poings. Tellement énervée qu'elle n'arrivait même pas à finir ses phrases … pauvre petite chose. Savoir manipuler les mots sans savoir se maîtriser soi-même … Un apprentissage très incomplet donc. C'était cela l'éducation des nobles aujourd'hui. Assez décevant mais bon … disons juste qu'elle n'avait pas encore grandie, hein ? En tout cas, il espérait que ce n'était que ca, vu à quel point le monde des shinobis pouvait être cruel. Et vous savez le plus drôle dans cette histoire ? Elle lui donnait des conseils. C'était précisément parce qu'il n'aimait pas qu'on lui fasse qu'il devait le faire …

M'enfin, il attendit patiemment qu'elle ait finie sa litanie, dans le plus grand calme et avec le sourire le plus mauvais dont il était capable ( et ils étaient dur à faire, ces saloperies ). Puis il reprit, parce qu'il aimait parler.

« - T'es là pour une dette, non ? Tu crois pas que le service que je viens de rendre à Masafune vaut bien un petit paquet de ramen ? »

Et ce fut sur ces paroles qu'il se leva et mit ledit paquet au micro-ondes. Héhé, rien de plus sacrés que les dettes pour quelqu'un de Taun. M'enfin, pour le coup, c'était surtout parce qu'il avait faim qu'il avait fait chauffer ce paquet. Il prit des baguettes au vol et vient se remettre à table. Maintenant, laisser refroidir une minute.  D'ailleurs, il y pensait, mais elle n'avait toujours pas répondu à sa question. C'était la troisième fois qu'elle lui faisait le coup, et ça commençait à le gonfler.

« - C'est pas que ca m'amuse pas, mais je pense qu'il serait temps que tu répondes aux questions qu'on te pose. Aucun de nous n'a envie de passer toute la journée ici. »

C'était vrai, il avait des cours de guitares à préparer, une réunion au club des sadiques anonymes et quelques services à rendre à des potes. Bref, le genre d'activités un peu plus intéressantes que trois personnes assises à une table en train de s’engueuler. Et tant qu'il y était, autant continuer sa drague plus ou moins discrète.

« - Au fait, est-ce qu'on doit s'inquiéter de pas voir de coéquipiers avec toi, ou tu bouges seule ? »

Manière comme une autre de lui demander son grade et donc indirectement son âge. Elle paraissait avoir à peu près le même qu'Akaji, mais qui sait, peut-être qu'en fait elle avait 15 ans et était encore Chuunin … Sur ce, ca faisait à peine 30 secondes, mais il ouvrit ses ramens …

« - Vous en voulez ? »

Après quelques passes d’armes sous la forme de différentes petites phrases, la situation commençait à s’envenimer. La jeune femme semblait commencer à perdre ses nerfs face aux deux shinobi de Shoutai et cela se remarquait aussi bien dans son ton, ses mots ou ses prises de paroles. Plus longues et plus nombreuses, la jeune femme perdait sa taciturnité et l’énervement la faisait parler. Ryûjin, de son côté, s’en amusait. Elle commença par s’en prendre à Akaji d’une manière assez calme, bien que très froide. Ce dernier fit preuve d’une belle maîtrise et semblait suffisamment distant et détaché de la situation pour, paradoxalement, suivre son cap et obtenir les réponses à ses questions. En réalité, plus la situation continuait et plus l’estime que lui portait notre héros grandissait. Ce Jônin, qu’il ne connaissait que de nom et principalement grâce à son grade, imposait une façon de faire différente mais efficace. C’était une qualité appréciable, bien que ses méthodes ne soient pas celles que préféraient Ryûjin.

Rapidement, d’ailleurs, ce fut à son tour de subir les foudres de la jeune femme. Elle semblait déterminée à lui renvoyer l’ascenseur après ses mots, il fallait l’avouer, plutôt durs. Elle n’hésita d’ailleurs pas à lâcher un petit rire provocant avant de presque menacer le serpent. Si ce dernier n’avait pas eu le visage recouvert par de nombreux bandages, sans doute son imposant sourire aurait suffi à résumer ce qu’il pensait de cela. Cela dit, ce dernier était tellement imposant qu’il devait tout de même se voir, ne serait-ce que dans ses yeux ou les plissures visibles sur sa tête. Après quelques instants, il joignit ses mains et posa ses coudes sur la table, avant de lancer un regard à la jeune femme, comme il n’en n’avait pas lancé depuis un moment. En un instant, son visage s’était transformé, devenu sérieux et méchant. Et ses yeux… Toutes traces de bonne humeur, de maîtrise et de compréhension les avait quittés. Non, ce n’était plus le même. Cette fois, c’était l’ombre, le ténébreux, le mauvais. Celui qui tuait de sang-froid. Celui qu’il ne fallait surtout pas provoquer. Celui dont le simple regard pouvait pétrifier les faibles et les innocents. D’un ton glacial et lent, presque comme-ci il découpait chaque syllabe, Ryûjin prit à son tour la parole :

« Serait-ce une menace, Reira ? »

Ryûjin resta ensuite silencieux, continuant de fixer d’une manière toujours aussi froide la jeune étrangère. Cela dura une poignée de secondes et suffit à refroidir l’atmosphère de plusieurs degrés. Notre héros n’avait apprécié ni le ton, ni les mots employés par Reira et il entendait bien le lui signifier. Il ne savait pas qui elle était dans son village, qu’elle importance elle avait, mais il estimait nécessaire de ne laisser le droit à personne de lui parler ainsi, et encore moins une jeune fille assez impétueuse pour pénétrer dans un village ennemi. Après quelques instants, il finit par retourner au fond de sa chaise, bien droit contre son dossier. Peu à peu, la pression retombait. D’un ton toujours très froid, il reprit la parole :

« Akaji-kun a raison, nous avons assez joué. Répondez aux questions et réglons cette affaire au plus vite, certains ont des responsabilités. »

Comme chien et chat, serpent et renard.
Vous vous regardiez droit dans le yeux, et sans savoir pourquoi, aucun ne pouvait cerner l'autre. Si l'un paraissait plus décontracté, il ne devait probablement pas se rendre compte de l'étendue de l'histoire, et de son avenir sur le présent, et l'avenir. Les choses se répètent et roulent, des tonneaux de vagues, des remous, un lac dérangé par le vent. Tout paraissait s'affoler et bouger. Quoi que l'un dise, l'autre renchérit. Même toi, cette tempête ne t'épargne pas, après tout, tu es humaine, comme les autres, et ton cœur ne peut pas être insensible à de pareilles paroles, à de pareilles attitudes.

Peut-être qu'ils ne feront aucun effort pour comprendre, peut-être que toi non plus tu ne voulais pas te mettre à leur place. Peut-être qu'instinctivement, vous étiez destinés à vous regarder avec ces airs méprisants, sans en calculer le prix. Vos phrases s'enchaînent mais ne se répondent pas vraiment, ce n'est qu'une succession de mots, pas une discussion. C'était naturel, les différences étaient trop larges. Cela avait creusé vos cœurs, les avait taillés comme de la pierre, un marbre plus résistant que n'importe quel vulgaire caillou. C'était peut-être déjà trop tard pour parler compréhension.

Ton calme te revint peu à peu. Il le fallait. La situation ne ferait que s'empirer, et tu le savais. Comme par hasard, ils s'étaient impatientés en même pas une demie-heure de conversation, preuve de leur implacable self-control. Tu aurais voulu leur dire, leur faire remarquer, à quel point le temps est important, à quel point il vous change et vous dompte, qu'importe la bête que vous puissiez être, ou devenir.

Tu ne pouvais pas trop en espérer de leur part, Reira, les hommes sont ainsi, les cultures comme cela, souffla une petite voix.

Après les avoir écoutés tout les deux, ton menton se leva doucement, assurant un certain regain dans sa confiance.

- En effet, je suis là pour une dette..

Ta voix marqua une pose, songeant soudain aux phrases de l'inconnu dont le visage était étrangement recouvert de bandages. Ton expression se teinta d'une forme d'incompréhension.

- Non, ce n'était en aucun cas des menaces. Depuis le début, ma présence n'est pas une menace, ni pour vous, ni pour lui..
Pensiez-vous réellement que mon sabre était dangereux pour cet homme ? N'avez vous donc rien vu ? Son regard n'était pourtant pas celui d'un homme qui savait qu'il était en danger de mort. C'était le regard d'un homme apeuré par ses propres fautes. Ce que j'ai fais, je l'ai fait par devoir. Ma lame en guise de miroir, pour qu'il puisse voir à quel point son reflet est hanté par ses erreurs.

Ton regard longea les murs, puis s'éloigna par la fenêtre, las et fatigué.

- Vous parlez de responsabilités, je les comprend et les respecte, tachez d'en faire de même pour les miennes.

Un dernier regard, cette fois-ci étonnement honnête.

- J'ai dis ce que j'avais à dire, à vous d'en tirer vos propres conclusions.

Et là... et là tu aurais voulu partir, t'en aller. D'une manière ou d'une autre, tu savais qu'ils t'auraient rattrapée, ligotée d'un fil coupant pour que tu ne puisses forcer le départ. Alors tu restais là, cloisonnée, enfermée dans des explications vaseuses qui pourtant à tes yeux valaient tant. Le respect de ton père était en jeu, et tu ne t'arrêterai pas à deux gardes attachés à leur promesses envers leur villages.

Ces deux ninjas pouvaient toujours croire qu'ils t'avaient stoppée dans ton élan, il n'en n'était rien. Le travail était déjà fait. Tu n'étais pas venue pour tuer ou même forcer Masafune à capituler sous ta propre force, bien au contraire. Tu venais de le plonger dans une guerre psychologique qui ne regardait que lui, et qu'il ne montrerait probablement jamais à personne. Et s'il oubliait de nouveau, tu serais là, tel un fantôme, pour lui rappeler que sans ton père, il serait à ta place : Un esprit parmi tant d'autre, dépecé par ses jeux d'argent et ses dettes, tué par des mains sales, et donc condamné à errer sans fin, à la recherche d'une quelconque expiation.

Houlà, mais c'est qu'elle continuait la petite. Ignorer toutes les questions de son plan … est-ce qu'elle aurait vu la logique derrière tout ca … ? Merde ! Si il était spotted, ca allait compliquer les choses … Peut-être annuler le tout ? Nan, il devait en être sûr avant de laisser tomber. D'ailleurs, il y avait autre chose de préoccupant : elle semblait calmée. Merde ! Cela allait l'empêcher de continuer son jeu. M'enfin, il avait appris pas mal de choses grâce à ca. Assez pour la suite. En attendant qu'elle finisses ses explications, il attaqua les pâtes et but un coup dans sa canette. C'était délicieusement chimique, mais bon, faut bien mourir de quelque chose, hein ? Bref, ca avait le mérite d'être rafraîchissant et de lui laisser le temps de penser.

« - Tu comptais pas le tuer, hein ? Tu restes en tort, tu sais ? »

En effet, elle avait commis deux fautes assez graves, l'une découlant directement de l'autre. Premièrement, elle s'était introduite dans un village caché sans prévenir ni en avoir l'autorisation de quelque manière que ce soit. Et pourtant, elles étaient pas dures à avoir. Et deuxièmement ? Elle avait menacé, quoi qu'elle en dise, un des citoyens de ce village, qui serait trèèèèès certainement près à témoigner contre elle en cas de besoin, rien que pour annuler sa dette. Mais bon, Akaji était pas si méchant, et il avait envie de traiter directement avec la petite de Taun.

« - Bon, je suis sûr qu'il y aura pas de problèmes si on règle ca ici ? »

Il s'était adressé à Orochi, évitant soigneusement de donner son nom, étant donné qu'il s'était efforcé de le garder secret. D'ailleurs pourquoi ? En fait, il y avait pas mal de trucs bizarres avec ce gars. Déjà, les bandages, il n'en avait pas avant … Et ca devait cacher quelque chose, vu que la forme de son visage avait changé entre temps … Bah, de toutes manières, c'était pas son ennemi, autant pas se torturer à propos de ca. Surtout qu'il avait d'autres choses beaucoup plus intéressantes à faire, comme par exemple continuer sa méthode de drague avec la prochaine étape : voire comment elle réagit, ce qu'elle pense de lui, ses principes et tout …

« - On pourrait dire ca : on oublie qu'on t'as vue et tu oublies Masafune ? »

Un plutôt bon deal pour elle, mais bon, Akaji se sentait de bonne humeur. Il était en train de s'amuser, avec à manger et à boire, qu'il ne payerait pas, tout ca avant un cours de guitare avec un pote. Franchement, il y avait pire, non ? Par exemple, la situation de la ninja de Taun ne lui paraissait pas DU TOUT enviable en ce moment-même … Halala, les jeunes de nos jours, mêmes plus capables d'assassiner des vieux correctement.

Peu à peu, la tension baissait dans la pièce, notamment parce que la jeune femme s’était enfin décidé à parler. Notre héros, de son côté, faisait également son possible pour ne pas s’emporter. Car même si l’acte d’intrusion était répréhensible, il y avait fort à parier que Makirama s’en prenne à lui s’il venait à amocher, voir tuer, une kunoichi étrangère. Il fallait donc faire preuve de self control, alors même qu’il aurait aimé pouvoir se défouler et évaluer, pour la première fois, ses novelles aptitudes en combat. Malheureusement, cela n’était pas pour cette fois. Ainsi, plus calmement, il écoutait la jeune femme expliquer plus ou moins les raisons qui l’avaient motivé à venir aussi loin de chez elle. Une dette. Bien-entendu. De quoi d’autre cela aurait-il pu s’agir ? Venant d’une femme apparemment noble de Taun, cela ressemblait presque à un stéréotype. Elle qui semblait si prompt à vouloir ôter les étiquettes s’en collait elle-même une sur le visage par ses actes. Il y avait de quoi sourire et, s’il n’y avait pas eu tous ces bandages, aucun doute que l’étrangère comme le Jônin auraient pu le voir sans problème. Après quelques secondes de réflexion et alors qu’Akaji venait de lui répondre une première fois, Ryûjin prit la parole sur un ton plus neutre qu’auparavant, bien que ses mots étaient le résultat d’une analyse glaciale :

« Non, elle ne sait pas. Comme elle ne semble pas savoir qu’ici, à Shoutai, on ne rend pas justice soit même sous prétexte d’un rang, d’un titre, d’une famille ou pour laver son honneur. En tant que citoyen de notre village, Masafune a des droits que vous avez bafoués par orgueil. »

Après ces derniers mots, Ryûjin posa son regard dans celui de Reira. Il resta silencieux et immobile un moment. Akaji souhaitait régler cette affaire « à l’amiable » mais, en tant que possesseur d’un certain pouvoir au sein du village, il était difficile - voire impossible - pour Ryûjin de laisser cela se passer ainsi. A moins, bien entendu, de tirer profit de la situation et de réussir à la tourner à son avantage. C’était sa méthode, sa « spécialité », après tout. Gérer ces choses-là, celles dont l’administration « officielle » n’avait pas besoin de connaitre l’existence. Avec le temps, il avait appris à trouver les bons leviers pour cela. Et, une fois de plus, c’était ce qu’il voulait faire. C’était d’ailleurs la seule solution qui était envisageable pour résoudre ce conflit d’intérêts sans trop de problèmes. Ainsi, il reprit la parole une nouvelle fois, s’adressant à la jeune femme d’un air et d’un ton plus posé :

« Comme l’a souligné Akaji-kun, il est inutile d’envenimer davantage la situation. Je suis prêt à payer la dette de Masafune pour être son unique créancier et régler cette affaire sans aller plus loin. »

L’homme fit une pose un instant. Alors qu’il ne la regardait pas jusqu’à ce moment-là, il posa les yeux sur elle. Son regard n’était pas menaçant au sens strict du terme, mais loin d’être neutre ou bienveillant. Non, il était plutôt pesant, comme pour laisser comprendre qu’il n’y avait pas de réelles autres options :

« Sinon, je me devrai d’envoyer une missive à Yoshitsune-sama pour lui signaler ce qui n’est autre qu’un incident diplomatique grave… Pour lequel Shoutai est en droit de demander réparations. »

Dans le monde politique, on appelait cela « faire pression ». Bien sûr, la personne avait toujours le choix. L’un était arrangeant pour tous les partis, tandis que l’autre n’était difficile que pour un seul. Du point de vue de Ryûjin, cela revenait au même : quelle que soit la réponse de la jeune femme, Shoutai gagnait.

Soit, ces deux hommes ne lâcheraient rien, pas une seule once de compréhensif. C'était respectable.. ou du moins ça l'aurait été s'ils ne t'avaient pas choisi en tant que cible matinale. Si leur regard semblaient imperturbables, alors tu cesserait d'y croire : Il n'y avait plus aucune raison pour toi de faire ces démarches explicatives quand une scène de jadis ne peut être théâtralisée et donc comprises par deux éléments éloignés. Tu ne jouerais plus la comédie, ou la prise de sentiment. Tant que Masafune était au courant de ta venue, c'était l'essentiel. Certes l'intervention des deux shinobis avait écourté cette rencontre, mais cela n'avait pas pu couper le fil de peur qui s'était tissé entre vous deux. Il serait en alerte pour les jours à venir, alors que toi, tu te contenterais d'un simple regard, d'un visage implacable. Tu ne dirais ni ne ferait rien, tu lui achèterais peut-être même des outils, qui sait. Et lui serait le seul à se morfondre dans une rancoeur ténébreuse, et douloureuse.

Ca fait mal de se voir dans le mirroir, ça brûle.

L'évocation de Yoshitune te rappela au réel. De si grand mot, de tels noms utilisés pour un simple désaccord ? Typique d'un shinobi de Shoutai, ne savoir régler les choses sans imbriquer des montagnes, des poids lourds et supérieurs. C'était décevant, au point que ton visage s'attrista presque. La noble en toi n'aurait jamais arboré ces traits, mais la samurai te rendait diablement concernée par l'utilisation de noms, et pas de n'importe lesquels.

- Soit, je veux bien admettre que mon comportement a pu vous paraître inopportun. Mais celui de Masafune ne devrait pas faire exeption à la règle.. Alors...

Tes mains se croisèrent de nouveau, dans l'autre sens cette fois-ci, histoire de les dégourdir un plus. Tu étais pensive, songeuse à l'idée de transmettre cette dette comme ils venaient de te proposer. C'était assez naïf de leur part, de croire que tu agissais de la même manière que l'aurait fait un créancier. S'ils ne savaient pas percer ce mystère, ils ne méritaient pas de prendre la défense d'un coupable. C'est pourquoi, la dette serait innacceptable pour eux.

- Je veux bien accepter votre compromis.

Au fond, tu connaissais déjà leur réaction. Ils négligeraient tes propos et ignoreraient probablement la demande. Mais c'était pour ça que tu avais accepté, pour qu'ils comprennent, pour qu'ils sachent qu'il n'était pas de leur devoir de remplacer cet homme. Ils ne pouvaient s'abaisser à son niveau, par simple questionnement de se redresser par la suite sans trébucher.

- La première dette est la vie.

Un silence tomba lourdement. Tu voulais marquer tes mots comme le sabre l'aurait fait.

- … Mais bien sur vous savez tout deux que ce n'est pas ce que je suis venue chercher.

Descrispant l'atmosphère d'un commentaire, ou du moins, tentant de le faire.

- La deuxième dette s'élève à 10 ryôs, elle est monétaire comme vous pouvez le voir... Et ce qui nous amène donc à ce que je suis vraiment venue chercher. Des excuses sincères, et un remerciement pour la vie qu'il aura pu mener.

Des excuses et un remerciement ? Cela allait s'avérer intéressant de voir à quel point ces deux là seraient vulnérables face à une telle requête, qui est pourtant tellement plus simple que tout au monde. Mais eux, quelle sincérité allaient-ils mettre, puisqu'il n'en éprouvaient aucune à ton égard. Allaient-ils donc se contenter de te donner ces 10 ryôs ? Cette facilité que tu leur avait laissé. Une somme falsifiée car au final, tu ne voulais pas de leur argent. Tu voulais un minimum d'honnêteté, dans un monde qui préfère se mentir à chaque instant.

Alors comme ça, elle voulait échanger les rôles … Bien sûr, il ne s'attendait pas à ce qu'elle accepte. Ce qui l'avait d'ailleurs plutôt surpris. Mettre sa fierté si précieuse de côté ? C'était assez étrange pour un des fameux samuraïs de Taun, surtout qu'elle semblait être un sacré phénomène parmi eux. Mais bon, ça rendait les choses plus faciles pour lui, sur tous les plans.Bien sûr, il laisserait Orochi s'occuper de la dette, bien qu'elle soit assez risible … D'ailleurs, qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Il lui devait la vie et 10 Ryôs ? Et elle était venue chercher le second ? Il y avait un truc qui allait pas avec ces samuraïs … Dans n'importe quel autres société militaire, Masafune aurait été esclave, et il en aurait été très content. Mais bon, il pouvait pas leur en vouloir … sans cela, il aurait sûrement jamais appris à jouer d'un quelconque instrument. Coïncidences, coïncidences … Que la chance était belle. Bref, il était temps de se bouger. Ayant fini ses ramens entres temps, il but encore un coup, puis se leva.

« - Veuillez excuser Masafune ! En tant qu'ami, je vous remercie profondément de l'avoir sauvé.»

Il s'était plié à 90°, ou pas loin. C'en était presque ridicule. Mais bon, c'était le genre d'Akaji, mettre un peu d'humour dans tout ce qu'il faisait. N'empêche … c'était vachement humiliant comme situation, surtout qu'il était pas du genre à s'incliner d'habitude. Bah, au moins, il ne l'avait pas laissée gagner, dans le sens où il ne s'était pas englué dans un combat de becs inutiles, dans lequel il aurait finalement perdu beaucoup plus, et de manière beaucoup, beaucoup plus honteuse. Et pour le reste, il avait enfin payé sa propre dette, étant donné que ca semblait être le sujet du jour.

Bref … la réaction de la Taun allait être intéressante. Elle qui tenait tant à l'honneur, et à sa petite fierté assez déplacée d'ailleurs, comment allait-elle interpréter ce qu'il faisait en ce moment même, et Orochi, connaissait-il notre petit Akaji à ce point, ou le voyait-il comme un connard comme un autre ? Il esquissa un petit sourire alors qu'il se redressait. Puis, il se remit à table, bien que la conversation touche à sa fin, étant donné que le sujet principal d'inquiétude était plus ou moins reglé. Il considérait toujours ca comme une victoire, pas une victoire claire, mais une victoire tout de même. Bref, pour la suite :

« - Je te laisse t'occuper du reste. »

Avait-il adressé à Orochi. Il ne tenait pas à ce que Masafune ait des dettes envers lui. En effet, une dette, même infime, avait tendance à changer les gens. Il les laissa s'arranger alors qu'il finissait sa boisson et calait la canette dans la boite, avant d'aller balancer le tout dans l'unique poubelle de l'endroit, située sous un des meubles, pour un gain de place maximum. Il regarda l'heure en passant … Merde ! Il allait être trop tard pour rejoindre Masafune ! Vraiment, la journée commençait pas de la meilleur manière possible … Bah, au moins il avait eu un repas gratuit.

Les conflits étaient parfois difficiles à régler. Certains prenaient des mois, des années même, avant qu’une solution ne se dessine. Mais ce n’était pas le cas, cette fois-là. En effet, malgré l’aspect critique de la situation de départ, ce problème tendait vers sa résolution. Du moins, en apparence. La jeune femme avait accepté le compromis visant à déplacer la dette de Masafune vers Ryûjin. Une proposition qui semblait louable, au moins autant que l’accepter était raisonnable. Mais, dans cette situation, chacun semblait jouer son propre jeu, avec ses propres règles. Intérieurement, notre héros en était ravi. Dans ce genre de situation, il s’amusait comme un enfant le matin de noël. Et, centimètre par centimètre, il laissait se déployer ce qu’il avait pensé et prévu. Mais, chaque chose se faisait en son temps. D’abord, certaines clauses devaient être éclaircies. C’était dans ce but que se fit sa première prise de parole : éclaircir les choses, le plus simplement possible. Le serpent s’adressa donc à la jeune femme, reprenant un ton relativement froid, pour bien faire comprendre que ces points ne pouvaient être discutés :

« Je vous l’ai dit : ni vous, ni moi, personne n’est en droit de décider qui doit vivre ou mourir. Tant que Masafune sera un citoyen de Shoutai, vous ne pourrez vous en prendre à lui sans en passer par les voies juridiques de notre pays. Ni dans ce village, ni à l’extérieur. Nul accident, nulle maladie foudroyante ne viendra écourter sa vie… Sous peine que je me charge moi-même de faire de la vôtre un cauchemar… » Il s’arrêta un instant, fixant plus intensément la jeune femme qu’auparavant : « Et oui, c’est une menace. »

Notre héros s’arrêta après ces derniers mots, laissant un pesant silence s’imposer. Akaji le rompit en se levant. Sans doute devait-il se dire qu’il avait déjà assez perdu de temps dans cette affaire ce qui, au fond, était sans doute valable pour les trois protagonistes de cette histoire. Il s’adressa à notre héros pour lui laisser la liberté de se charger du reste. Le regardant, Ryûjin acquiesça d’un simple signe de tête approbateur. A son tour, le serpent se leva et sortit l’argent demandé par Reira. Une somme dérisoire qui montrait pertinemment qu’elle ne comptait pas en rester là et c’était la raison pour laquelle Ryûjin avait préféré mettre les choses au clair. Ces dix ryôs ne pouvaient signifier que deux choses : soit elle mentait sur la somme, soit elle était venue pour d’autres raisons. Dans les deux cas, cela signifiait que cette histoire était loin d’être terminée. D’autant plus loin que Ryûjin ne comptait pas en rester là. Il posa l’argent sur la table en s’adossant légèrement, non loin des mains de la jeune femme, puis se releva. Son porté de tête indiquait une fierté certaine et, une fois de plus, il prit la parole :

« Si nous sommes d’accord, voici votre argent très chère. »

Toujours debout, sans bouger, Ryûjin lui tendit sa main droite. Il entendait sceller cette entente par une poignée de main franche et généreuse. C’était une manière de faire qui valait au moins autant que des papiers signés en de telles circonstances. Même si, évidemment, la malice caractérisant cet étrange personnage le poussait à ne pas en rester là. Alors qu’il tendait toujours la main, le dirigeant adjoint de Shoutai pris à nouveau la parole. Son intonation était toutefois totalement inédite. Ni neutre, ni froide, elle était plutôt pleine d’une chaleur étrange, pleine de perversité. Le genre de manière de parler que, généralement, les gens regrettaient.

« A présent, pour avoir fait preuve de clémence à votre égard et épargné votre vie un peu plus tôt… Vous avez une très lourde dette envers-moi. Alors, nous avons un accord ? »

Tu avais levé le menton, comme si quelque chose d'intéressant allait se produire au plafond. Comme si tu voulais leur cacher tes yeux pour qu'ils ne cernent pas que ton indifférence était royalement jouée. Cette chose qui ne retombait pas, cette atmosphère qui survolait vos cœurs sans prendre la peine de les soigner. Tu n'espérais plus vraiment, au final, que ne serait-ce l'un d'eux ne te croient, en daignant t'accorder un bref pardon.

Vraiment, tu n'y croyais pas.

Même quand le dénommé Akaji s'avança et se plia de manière presque rocambolesque devant toi. Tu ne pouvais alors voir que le dessus de son crâne, plié de manière tellement exagérée que ses vertèbres ressortaient le long de sa nuque. Sa crinière s'était retournée et retombait vers le sol, accompagnée du ruban rouge qui lui servait de bandeau. C'était une surprise, de le voir ainsi se prosterner devant toi, alors que pour rien au monde tu ne l'imaginais le faire. Légèrement déstabilisée, tu reculas d'un pas.

- Hum, et bien..

Un léger raclement de gorge pour éclaircir ta voix, et cacher ce début de gêne qui commençait à s'installer. Quoi ? Pourquoi se remettre en question ? Après tout ces excuses étaient méritées ! C'était juste trop soudain, voilà, trop soudain. Te justifiant avec toi même, tu hocha légèrement la tête, en guise de salut purement respectueux. C'était la règle, si quelqu'un s'abaisse devant vous, il fallait lui faire savoir que vous aviez bien réceptionné son geste, et lui rendre avec plus ou moins d'intensité.

Le deuxième inconnu, lui, resta dans sa bulle d'ombre, jouant cette fois-ci sur les menaces. Ca avait le don de te refroidir, ce genre de personnage qui ne comptaient que sur leurs mots pour se montrer supérieur. IL a fait preuve de clémence ? TU lui devais une dette ? Pire, une dette de vie ? Des mots bien hautains pour un ninja qui agit au nom d'une loi qu'il transgresse par ses propres mots. Shoutai n'est pas une prison fermée, ce qui vous sépare au final, n'est rien de plus qu'une distance d'esprit. Sa règle défend les siens, mais fait de lui un impitoyables envers les étrangers ? Peu crédible quand on veut prôner un village qui se revendique asile. Masafune était un étranger, lui aussi, à la base.

Ta retenue t'empêcha toute contre-attaque trop émotive. Avec calme, tes paupières se fermèrent, comme désireuse de ne rien voir, de ne pas faire face à un personnage que tu ne peux comprendre. Ta main glissa sans bruit sur la table, à la rencontre de l'argent. Le poids était ridicule, pourtant, sa charge était pesante. Tes yeux se rouvrirent, sur cette autre main qui se tendait vers toi. A cet instant, cette impression de danger était presque culminant. Des menaces, un accord, une dette, une poignée de main pour conclure ? Mais non, tu ne voulais pas de cette reconnaissance de dette, tu ne voulais pas qu'il se joue de ton honneur ainsi. C'était salissant, à force, tellement que ton bras s'avança si lentement qu'il en démontrait tout le doute qui te hantais. Il recula même, à un moment, puis replongea vers cette paume peut réconfortante. Les dents serrées ta main se glissa dans la sienne. Ce n'était pas coutume d'agir ainsi, chez les samurai, une simple inclinaison suffisait. Tes doigts se refermèrent autour des siens, renforçant la pression sans pour autant lui broyer les muscles.

- Je ne suis pas sûre d'avoir les même notions de dette que vous. Mais soit, je crois que celle de Masafune a encore su trouver quelqu'un pour payer les siennes. Il est entre vos mains maintenant.

Ton buste se pencha en avant, en toute dignité. Les faits étaient là : L'excuse, l'argent : tout t'avait été rendu. S'acharner à poursuivre une ombre serait une nuisance, autant pour toi que pour … ces deux hommes. Alors c'était à la fois un soulagement et un vide. Qu'allait-tu pouvoir faire remonter à ton paternel ? Serait-il d'accord avec toi sur le fait que la dette peut être effacée ? Que Masafune n'est plus, rien de plus qu'un souvenir ?

- Merci pour le temps accordé.

L'argent atterrit dans le fond de ta poche.
Le reste de la somme serait rajoutée par tes soins, de ta propre cagnotte, loin de toi l'idée d'escroquer des inconnus.

Il était fier de son petit résultat. Première fois qu'elle semblait vraiment perturbée depuis le début de la conversation. Comme quoi, le petit Jônin était plus difficile à comprendre qu'il n'y paraissait. Après tout, ce n'était pas drôle si il se contentait de faire le connard. Fallait bien un but derrière tout cela. Sinon, vous vous doutez que j'aurais pas pris le temps de m'intéresser à lui. Vous vous demandez de quoi je parle ? Devinez ! Lui en était plutôt fier, en tout cas. Surtout qu'il allait encore avoir une bonne surprise. En effet, ses yeux de lynx n'avaient pas manqué le début de mouvement de Reira qui s'était penchée en avant pour saluer. Héhé, il avait pas perdu ses réflexes. C'était la troisième fois, hein … Bah, autant la remercier.

« - Merci beaucoup, Reira. »

Il ajouta un clin d'oeil très suspect. Franchement, il s'était bien amusé. Déjà, il avait un peu joué avec la gonzesse, et ensuite, il avait enfin vu le « fameux » Orochi en action. Et celui-ci semblait assez bon aussi à ce petit jeu. D'ailleurs, en parlant de ca, il agissait bizarrement … Cette poignée de main, CETTE poignée de main tellement louche qu'il pouvait sentir le piège de là où il était. Et elle … elle tellement naïve qu'elle acceptait. Franchement, si il y a une SEULE règle à apprendre des séries télés, c'est de ne jamais accepter quand un mec louche te demande : « - Avons nous un accord ? ». Elle avait jamais vu Once Upon a Time ? Bref, il pouvait plus rien pour elle, et il y avait deux options pour la suite : soit ca tournait au gore, soit rien ne se passait. Bref, il crevait pas d'envie d'être là pour voir ca.

« - Et bah moi, j'y vais. A jamais, Reira ! »

Ou du moins l'espérait-il … il s'en voudrait si il devait tuer la pauvre petite. Il aurait au moins 5 minutes de période de deuil. Bref, pas le temps de penser, il devait retrouver Masafune, il avait encore un tout petit peu de temps, et avait pas envie de s'être déplacé pour rien. Il sortit en vitesse de la maison, et se dirigea vers l'endroit où il était quasiment sûr de trouver le marchand : une rue plus loin, en train d'attendre, la peur dans les yeux. Et bingo ! Il avait raison … Celui-ci l'accueillit avec un regard anxieux … Putain, ça allait être dur à expliquer tout ça.

[HRP : Post un peu plus court, je suis pressé ]

Les trois shinobi se dirigeaient à toute vitesse vers la fin de leur entrevue. Après s’être levé, Akaji ne tarda d’ailleurs pas à partir. En tant que Jônin, sans doute devait-il avoir des tas de choses à faire ? C’était une possibilité et ce qu’espérait notre héros, même si un doute persistait sur la question dans son esprit. Pour autant, cette séance visant à régler le conflit n’était pas encore terminée. Après qu’elle ait salué le Jônin, la jeune femme de Taun’ se tourna vers Ryûjin. Elle prit l’argent, tout en s’adressant à ce dernier. Ainsi, elle n’était pas « tout à fait d’accord » avec l’analyse de la situation qu’il faisait. C’était assez amusant, d’autant qu’il s’agissait là d’une réserve qu’il ne comptait nullement prendre en compte. Restait néanmoins à trouver la chose qui lui permettrait d’avoir les moyens de ses ambitions. En réalité, il l’avait déjà trouvé et était sur le point de la réaliser. Il n’y avait qu’une seule chose à faire : que la belle Reira ne lui serre la main. Et cela, elle ne tarda pas à le faire. C’était assez logique, dans sa situation. Ne pas le faire aurait été un profond manque de respect et sa position faisait qu’elle ne pouvait se le permettre. Malheureusement pour elle, il s ‘agissait là d’un vicieux guet-apens tendu par son interlocuteur. C’était d’ailleurs assez flagrant. Son visage arborait un air faussement chaleureux tellement sur-joué que cela puait l’hypocrisie à plein nez. Aussi, une fois qu’il eut la main de la jeune femme dans la sienne, il prit la parole. Le piège se refermait :

• « Et bien, voyez-vous… »

La main « amicale » de Ryûjin se resserra avec violence et puissance. Il la tenait fermement pour l’empêcher de se libérer. Dans le même temps, son visage passa de cette fausse chaleur à une froideur et une malveillance extrême. Les chakras qu’il avait préparé furent libérés et son indexe fut entouré d’une étrange aura bleue, typique du chakra à l’état brute. Tandis qu’il tenait toujours fermement la main, cet indexe passa dans la paume de la jeune femme, qui tenta de se dégager par reflexe. L’homme tenait toujours fermement et cela ne prit que trois, quatre, ou cinq secondes, pas plus. La kunoichi devait relativement souffrir, car ce qu’il venait de faire provoquait des brûlures relativement désagréables. Après cette action, il termina sa phrase sur un ton glacial et menaçant. Ce n’était plus le bras-droit de Makirama qui parlait, mais l’homme de l’ombre, celui prêt à tout pour son village :

« Ceci devrait vous aider à vous souvenir à qui vous êtes redevable… »

Après ces quelques mots, l’homme lâcha la main de la jeune femme. Au milieu de sa paume, gravée dans une chair brûlée à vif, trônait une marque, SA marque : un serpent se tortillant, ou plutôt, se mordant la queue. Comme l’avait énoncé précédemment Ryûjin, la jeune femme avait une dette de vie envers lui, une dette infinie, ce que symbolisait cette marque. Intérieurement, il était satisfait. Cette femme, qui accordait tant d’importance à l’honneur, au respect et à la droiture ne pourrait vivre une vie normale avec cette marque honteuse sur son corps. Peut-être tenterait-elle de la dissimuler avec des bandages un des gants mais, chaque fois que ses yeux se poseraient sur cette main droite, cette scène précise surgirait de son passé. Jusqu’à ce que cette torture devienne insupportable et qu’elle revienne vers Ryûjin, à Shoutai, non plus pour demander son dû, mais pour mettre fin à ce déshonneur. Une assurance certaine pour ce malicieux héros d’obtenir ce qu’il souhaitait. Après quelques secondes lui permettant de se délecter de cet instant, le shinobi fit un pas en arrière et se dirigea vers la sortie. Après quelques mètres parcourus, il s’arrêta et tourna la tête vers la jeune femme, la mettent en garde :

« Je vous déconseille d’essayer de l’enlever par vous-même. Mon chakra Senjutsu coule dans cette marque, un homme non préparé à cela mourrait en l’absorbant… Quant à vous, allez savoir ce qu’il se passerait. »

Spoiler:

Le temps d'un instant, ton regard s'éclaira, laissant alors place à un sourire que tu tentais de refouler. Le premier individu s'était déjà volatilisé, dans des salutations assez originales pour t'extirper un soulèvement discret des lèvres. Peut-être l'avais-tu mal jugé ? Un humour en guise d'au revoir, c'était tout ce qu'il te fallait, au final, pour égailler ton attention.

- A jamais, Akaji-san

Dans toute sa grâce accumulée, ton buste se pencha une énième fois, scellant alors ces adieux attentionnés.

Voila donc l'heure du face à face. Un entretien dont l'ambiance ne débordait pas de bonne humeur. Seule la froideur du personnage ressortait, engloutissant alors toute l'estime possible qu'on aurait pu lui porter. Le solitaire n'aime pas parler, il se contente de chasser, de survivre. Même dans l'attitude, tout le vice de l'individu débordait de sa personne, et c'est en ayant conscience de ça que ta main vint serrer la sienne. Si c'était le prix à payer pour t'en aller sans avoir à corrompre tes propres choix, tu le payerai sans crainte.

Sans crainte mais pas sans douleur. Une odeur nauséabonde s'installa, remplaçant alors vite le parfum de poussière qui tapissait la « maison ». Ta chair brûlait, en silence, sous des flammes invisibles et affamées. Il avait donc poussé jusque la sa conviction ? Fondant alors une menace à une exécution. Tes doigts se resserrèrent de plus belle, comme pour le provoquer.

Vas-y brûle moi plus fort si tu en es vraiment capable.
Tu ne sais pas, tu ne sais rien. J'ai connu des feux cent fois plus ardents et vifs. J'ai connu ce que tu sembles être persuadé de me faire connaître. N'oublie pas, guerrier, que rien ne reste, tout se joue.

Tu n'avais même pas posé un œil sur votre poignée de main. Tu avais plongé dans la gueule du..serpent en sachant à quoi t'attendre : c'est pourquoi toute l'intensité de ton regard s'était entièrement tournée vers le sien. Guerre d'idée, guerre de sentiments ? Ce n'est pas un corps qu'on blesse qui perdra la face mentalement. Il pouvait bien t'arracher la peau, ta morale serait la même.

L'action terminée, tu fus amusée de constater qu'il s'agissait d'un serpent se mordant lui même la queue. L'oruboros parfait. Peut-être pensait-il qu'il venait de graver là une honteuse représentation d'une dette, mais toi, tu n'y voyais guère plus qu'une promesse.

- Je n'essayerai pas de l'enlever. C'est vous qui le ferez. Ce serpent, il représente le cycle n'est-ce pas ? Le début et la fin de tout. Si nous en sommes au début, alors nous nous reverrons sûrement avant la fin, et à ce moment là, Shoutai-jin, je vous ferais reconnaître que cette marque n'a plus lieu d'être.

Ton poing se referma sous son nez, relançant alors une certaine douleur. Ton menton s'inclina avec droiture, avant que tes pas ne te portent jusqu'à la sortie. Une dette pour une autre alors ? Qui sait, la vie n'était qu'une roue changeante, parfois vertueuse, parfois moins. Ta monotonie s'était rompue, la roue s'accélérait.

Et dans un coup de vent, ta silhouette disparaît, ne laissant derrière toi qu'une empreinte morale, la pire de toutes.

HRP : Assez court aussi, pour conclure. Merci pour le RP messieurs :')

▬Validation de RP▬

Post n°1 ➜ 7/10 (Qualité) + 7/10 (Longueur ) = 14 XP
Post n°2 ➜ 7/10 (Qualité) + 6/10 (Longueur ) = 13 XP
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Post n°4 ➜ 7/10 (Qualité) + 6/10 (Longueur ) = 13 XP
Post n°5 ➜ 8/10 (Qualité) + 8/10 (Longueur ) = 16 XP
Post n°6 ➜ 8/10 (Qualité) + 8/10 (Longueur ) = 16 XP
Post n°7 ➜ 7/10 (Qualité) + 7/10 (Longueur ) = 14 XP

Globalité ➜ 31/40 XP

Total ➜ +130 Xp