Un son strident brisa le silence qui régnait au sein de ma chambre. Mon réveil me tira immédiatement de mon sommeil. Un long bâillement manqua d'arracher la mâchoire. Malgré l'envie de retourner sous mon drap, je me forçai à sortir hors de mon lit afin de me vêtir. Comme à mon habitude, je me levai assez tôt pour réaliser mon footing matinal à travers les ruelles du village. La lune n'avait pas encore échangé sa place avec le soleil. A l'extérieur, aucune âme ne paraissait traîner dans les rues. Seul le miaulement de mon chat, qui avait pour loisir de se balader hors de notre demeure, attira mon attention. Le temps était parfait pour une course, car il n'y avait pas un seul nuage dans le ciel. Rabattant ma capuche sur ma tête, je m'élançai dans l'obscurité. Il s'écoula deux heures à mon retour. Le soleil s'était enfin levé et la population du village commençait à s'activer. Pénétrant à l'intérieur de ma maison, je surpris ma mère dans la salle à manger. Après des brèves salutations, je voulus me rendre immédiatement à dans la salle de bain, car la sueur collait à mes vêtements, mais ma mère m'interpella. Pressé de prendre une douche à cause de ma légère fatigue et de la puanteur provoquée par la sueur, je pris quand même la peine d'écouter les dires de ma mère.

« Un messager est passé ici. Il veut que tu passes dans environ une heure trente à la tour principale pour que l'on te remette une mission. » dit-elle.

D'un hochement de la tête, je lui fis comprendre que j'avais compris. Un mince sourire déforma mes lèvres. Même si je ne sautai pas de joie, au fond de mon être, je ne pouvais pas m'empêcher d'être heureux par cette nouvelle. On me confiait enfin ma première mission après un mois environ d'attente. Sous la douche, perdu dans mes pensées, je réfléchissais à quel type de travail on me confierait. Selon ma mère qui avait été passée par le même stade que moi, les genins avaient pour la majorité de leurs missions dans leur début des tâches dégradantes. La première que ma génitrice m'eut racontée cela, je fus d'abord contrarié, mais je ne pus qu'accepter cette vérité. Les personnes chargées de remettre les missions ne pouvaient pas se permettre de remettre une mission périlleuse de rang B à un débutant. Dès ma sortie de la douche, je fis en sorte de m'habiller le plus rapidement possible afin de ne pas être en retard à ma destination. Il était toujours bon de faire bonne impression. Une fois prêt, après avoir salué et souhaité une bonne journée à ma famille, je suivis le chemin menant jusqu'à ma destination.

A mon plus grand étonnement, la tour principale était un lieu assez fréquentée. Des ninjas de tout âge et de tout niveau couraient dans tous les sens. Faisant route jusqu'au hall des missions, des personnes assises à chacun devant un bureau me reçurent. L'individu, qui m'avait convoqué, me reçut avec un large sourire et m'adressa aussitôt la parole.

« Bonjour Jin ! Nous avons une mission pour le moins urgente pour toi. Des brigands sont rentrés dans notre village et sèment la zizanie dans nos rues. Le village a besoin de toi pour les arrêter sur-le-champ. Par contre, comme nous savons que c'est ta première mission, nous avons demandé à un autre ninja de ton grade de te venir en aide. Il ne devrait pas tarder à arriver. »

C'était une autre bonne nouvelle. Je ne me voyais vraiment pas affronter une bande de hors-la-loi seul. Ce n'était pas une forme de lâcheté, mais je n'étais pas du genre à surestimer mes capacités. Certes, on me complimentait pour mon talent dans les arts martiaux, mais il y avait de fortes chances à ce que je me fasse casser la figure pendant la mission. De plus, me faire un camarade dans le milieu me plaisait beaucoup. Au final, le destin avait répondu à mon appel en m'évitant un boulot ennuyant et indigne d'un véritable ninja. Faisant craquer mes phalanges, j'observai patiemment la porte d'entrée, dont l'ouverture signalerait l'arrivée de mon futur frère d'armes.

Une personne traversa l'entrebâillement de la porte. Le ninja, qui m'avait reçu précédemment, s'adressa immédiatement au nouvel arrivé. A première vue, ce dernier serait mon équipier le temps d'une mission. Avec un demi-sourire aux lèvres, j'étais rassuré que ce jeune homme paraissait avoir le même âge que moi. Je ne m'imaginais pas du tout travailler avec quelqu'un d'une dizaine d'années de plus. Après une rapide discussion avec le responsable de l'attribution des missions, mon nouveau camarade se tourna vers ma direction. Surpris, j'entendis qu'il faisait partie du clan Kusari. Personnellement, j'enviais les gens nés au sein d'un clan puisque moi-même, je n'en avais pas la chance. Cependant, nous n'avions pas assez de temps pour faire ample connaissance. Quelque part dans le village, des gens avaient besoin de notre intervention. Sans perdre un instant, je me précipitai à la suite de l'autre genin. Le temps pressait. Aucune seconde n'était à perdre.

Selon mes souvenirs, les brigands se trouvaient dans les rues de la zone commerciale. D'un point de objectif, des ninjas d'un niveau supérieur aux nôtres auraient pu largement faire l'affaire pour une mission aussi simple. Par contre, j'étais vraiment flatté d'avoir le soutien et la confiance des hauts gradés, mais d'une certaine manière, cette confiance engendrait aussi de la pression. Commencer par un échec cuisant, après avoir obtenu son bandeau, était ce que je craignais le plus. Malgré cette peur, je m'obligeai à conserver mon optimisme. Le manque de confiance en soi était un défaut des perdants. Toutes mes réflexions me permirent d'en venir à la conclusion que mes futurs adversaires seront les premiers dans l'histoire à subir mon courroux. Soudain, une inconnue me bouscula. C'était une femme à l'air affolée, qui jetait de rapides regards dans son dos comme si une menace lui courait après.

Messieurs ! Venez-nous en aide ! Des étrangers se déchaînent dans nos rues. Ils se trouvent de ce côté-là. Arrêtez-les vite s'il vous plaît !

Ne vous inquiétez pas mademoiselle. Nous allons leur faire regretter leur comportement.

Adoptant une mine sérieuse, j'abandonnai cette femme afin de me rendre vers l'endroit où me parvenaient de forts éclats de rire. Mon ouïe ne m'avait pas trompé. A mon arrivée sur les lieux, une scène venait à peine de débuter. Un modeste commerçant, dont l'étal de fruits était totalement renversé, reçut une puissante droite qui l'avait immédiatement mis à terre. L'agresseur, un des brigands, semblait fier de lui. Au lieu de se contenter d'un unique coup, il se mit à rouer de coups de pied sa victime. Pris d'une colère incontrôlable, je ramassai une pomme avant de la lancer sur le visage de l'homme violent. Le projectile atteignit de plein fouet son front et la cible manqua de trébucher. L'air ahuri, il chercha en balayant les alentours du regard qui était le responsable de cette provocation avant de me dévisager. Avant même qu'il n'ai le temps d'ouvrir la bouche, je dis.

Je vous ordonne de quitter le village, vous et vos amis, maintenant. Je ne veux pas utiliser la manière forte pour vous faire dégager.

L'homme éclata de rire. Il ne prenait visiblement pas au sérieux. Franchement, si mon intimidation avait fonctionné, cette mission aurait été bien trop facile. Qui pourrait craindre des adolescents ? Nos adversaires étaient six, alors que nous n'étions que deux. Certes, ils nous dominaient largement numériquement, mais ils ne devaient pas être d'un niveau exceptionnel. Faisant craquer mes phalanges, j'étais résolu à utiliser la violence. Il n'y avait pas de place pour le pacifisme dans ce genre de situation. Ces criminels ne connaissaient pas la diplomatie, la seule manière de les arrêter était par l'usage des poings. A ce moment-là, je me remémorais tout ce que j'avais appris au cours de mes cinq années d'entraînement. Des véritables êtres humains, faits de chair et d'os, se dressaient face à moi. Ce n'étaient pas des pantins d'entraînement, immobiles et insensibles à la douleur. Peu importe l'issue de cet affrontement, je me donnerais à fond du début à la fin.

On se partage les adversaires, Hitsuko ! Je compte sur toi mon pote !

Le terme pote était quelque peu exagéré, mais même si je n'avais aucun plan concret, j'étais pratiquement sûr que mon équipier sortirait vainqueur de son combat.

Il n'y avait plus aucune clémence possible. Mes sourcils étaient froncés au maximum. Une expression enragée avait pris place sur mon visage. Un seul adversaire courut tête baissée dans ma direction. Il avait ordonné à ses camarades de rester en retrait, car il était persuadé de faire l'affaire. Son sourire arrogant faillit me faire perdre mon sang-froid. Mon poing se serra brutalement. Il brûlait d'impatience de frapper l'inconscient. Lorsque ce dernier arriva à portée, je lui décochai un puissant coup de poing en plein dans le nez. Un craquement sonore nous fit comprendre que l'arête nasale du malheureux s'était brisé sous le choc. La tête du combattant se renversa en arrière puis son corps perdit son équilibre. L'individu, qui était en train de couvrir son visage par ses mains, hurlait de douleur. Pour le faire taire une bonne fois pour toute, j'ajoutai au menu un coup de pied en supplément. Le souffle coupé, il se recroquevilla en position foetal. Jetant un furtif coup d'oeil du côté de mon équipier, je constatai avec un sourire non dissimulé, qu'il avait infligé une même correction à ses adversaires. Le plan effectué à la va-vite se déroulait comme prévu. Cependant, il me restait encore deux opposants à éliminer. A moins de trois mètres de ma position, un second adversaire se présenta.

Au contraire du précédent, il paraissait plus réticent à attaquer. Il avait assisté à la mise à terre de mon compagnon d'armes en quelques secondes. Impatient d'en finir, je préférai donner le premier coup cette fois-là. Après une brève course, je me retrouvai à proximité du hors-la-loi, le poing prêt à fuser droit vers sa poitrine. Par contre, cet ennemi n'était pas aussi faible que celui de tout à l'heure, car il avait réussi à esquiver de justesse mon coup. Pendant presque une fraction de seconde, je crus apercevoir des traits moqueurs sur l'homme que je combattais à ce moment-là. Cette provocation me donna l'envie d'en finir au plus vite. J'attendis que mon adversaire porte la seconde attaque. Sans surprise, il envoya un coup de poing que je bloquai avec une facilité déconcertante. Aussitôt, je le contre-attaquai en frappant son genou à l'aide de ma jambe. Cet assaut lui fit perdre momentanément ses appuis, mais je pus profiter de ce moment pour lui mettre une série de jabs, c'est-à-dire, des séries de direct peu forts mais rapides, avant d'en finir avec un uppercut dans la mâchoire. Désormais, il restait encore un dernier adversaire. Quant à Hitsuko, il s'était occupé comme un chef de ses adversaires. Je devais suivre son exemple. Cependant, l'ultime brigand n'était pas du même avis. Il avait vu les membres de son équipe tomber les uns après les autres et avait pris ses jambes à son cou. D'une certaine manière, je comprenais pourquoi il avait pris la poudre d'escampette. Mais ce n'était pas une raison valable pour abandonner ses alliés.

Je n'eus aucun mal à le rattraper. Mes entraînements répétés m'avaient permis d'acquérir une vitesse largement supérieure à celle d'un homme lambda. Suite à cette pathétique fuite, il n'eut plus aucune échappatoire lorsque nous fûmes face à face. Tout d'abord, je lus dans ses yeux une immense détresse, mais comme il constata que les regards de civils en colère étaient braqués sur lui, l'homme se décida à se battre jusqu'au bout. Au final, il fut aussi décevant que ces deux autres camarades, car il n'avait pas réussi à tenir au moins cinq secondes contre moi. Le traînant par la jambe vers Hitsuko, je le ramenai là où les autres bandits se tenaient. Aux côtés de mon nouvel ami, ma timidité maladive reprit le dessus. Prenant mon courage à deux mains, je me dis que si j'avais réussi à tenir tête à trois hommes, qu'est-ce qui m'empêcherait de m'adresser au Kusari ?

Finalement, il n'y avait pas de soucis à se faire. Ces gars avaient de la gueule, mais rien dans le pantalon ! Par contre, je vais devoir te quitter. J'ai promis à ma mère de l'aider à faire ses courses. A la prochaine ! J'espère qu'on aura l'occasion prochainement de faire plus amples connaissances.

Au fond de moi, je regrettai amèrement de ne pas avoir la possibilité de traîner un peu plus à ses côtés. Étant une personne plutôt solitaire, on ne pouvait pas dire que j'avais beaucoup d'amis. Cependant, ce problème serait remis à plus tard car ma mère ne tolérait aucun retard. Dans le cas échéant, je risquais de me faire sévèrement tirer les oreilles.